Courrier 1 - La cosmétique bio existe-t-elle réellement?
Depuis 30 ans le monde de la cosmétique bio a bien changé.
Quand nous avons démarré notre activité seuls quelques pionniers idéalistes occupaient le terrain. Il n’y avait pas encore de cahiers des charges (il fallut attendre 1998 pour voir apparaître celui de Nature et Progrès et 2002 celui d’Ecocert-Cosmebio). C’est dire que le consommateur n’avait que peu d’alternatives à la cosmétique traditionnelle et il lui était difficile de trouver de l’information sérieuse. D’autant que la législation officielle commençait tout juste à se mettre en place et que l’obligation d’indiquer la composition complète des produits sur les étiquettes n’était pas encore généralisée.
Aujourd’hui il y a pléthore de marques et de produits bio, les cahiers des charges se sont multipliés, la législation s’est renforcée, les informations disponibles sur les étiquettes, dans de nombreux livres et sur internet sont abondantes et pourtant est-on mieux informé pour autant ?
Certes la composition complète apparaît aujourd’hui sur tous les produits. Mais elle est la plupart du temps rédigée selon les normes internationales, dans un jargon scientifique en anglais et en latin incompréhensible pour la plupart.
Les cahiers des charges eux-mêmes sont nombreux et difficiles d’accès. Ils constituent un réel progrès dans la mesure où l’interdiction de certaines techniques polluantes et de certains ingrédients toxiques va dans le bon sens. Mais leur complexité est telle qu’il est difficile d’en connaître véritablement la teneur. Ainsi :
- Qui sait que la chimie de synthèse peut-être présente dans les produits bio à hauteur de 5% ?
- Qui sait que des conservateurs dits « nature-identiques » sont des imitations de molécules naturelles telles que l’acide citrique du citron ou l’acide sorbique de la baie de sorbier mais qu’ils sont totalement artificiels, de pure synthèse.
- Qui sait que les centaines d’ingrédients dits « d’origine naturelle » qui sont autorisés par les cahiers des charges sont obtenus par transformation dans l’industrie chimique de substances tirées de la nature certes mais ayant perdu par leur transformation le lien précieux qui les reliait à la vie ?
- Qui sait que certains cahiers des charges autorisent dans certains cas l’utilisation d’excipients chimiques sans que ceux-ci n’aient l’obligation d’être mentionnés dans la liste des ingrédients ?
- Qui sait que des multinationales de la chimie telles que l’Oréal, Henkel ou même Nivéa se sont introduites dans les conseils scientifiques de certains organismes certificateurs bio et qu’elles participent ainsi à l’évolution de certains cahiers des charges en vigueur ? (on peut imaginer dans quelle direction).
Tout ceci n’est que le résultat de l’évolution de la cosmétique bio qui tend à imiter la cosmétique conventionnelle et à rivaliser avec elle. Cela ne peut se faire qu’avec les mêmes armes et c’est vers la technologie et la chimie (même si elle est repeinte en vert) que se tournent beaucoup de fabricants bio pour créer sans cesse de nouveaux produits qui ne répondent le plus souvent qu’à la recherche de nouveaux marchés et à l’augmentation du chiffre d’affaires.
Nous nous éloignons ainsi de la bio véritable qui est basée sur des petites productions artisanales, sur le commerce de proximité, la connaissance des producteurs plus préoccupés d’éthique que de recherche de profit. Cette bio existe encore, il y en a dans tous les labels, mais il faut la chercher. C’est celle que nous défendons depuis 32 ans et que nous continuerons à défendre malgré les difficultés législatives de plus en plus nombreuses qui tendent à combattre la vie sous toutes ses formes.
Mais c’est à chacun de chercher, de s’informer et de faire le tri. Cela a toujours été et restera de la responsabilité de chacun. Et en favorisant les petites structures porteuses d’une éthique forte, dans tous les domaines, cela permettra de sauvegarder la seule bio valable, celle qui nous relie au vivant de la nature et qui nourrit la vie en nous.
Bernard BRIAUD
Biologiste - Dr ès Sciences